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albin michel - Page 6

  • Juste avant le bonheur d'Agnès Ledig

    Juste avant le bonheur

    de

    Agnès Ledig

    JUSTE_AVANT_LE_BONHEUR.jpg

    "Elle en a vu d'autres, Julie.

    Elle aurait pu s'opposer, prendre le risque, perdre son travail, mais garder sa dignité.

    Quelle dignité?

    Ça fait belle lurette que ce bout de femme l'a perdue. Quand c'est une question de survie, on range au placard les grands idéaux qu'on s'était fabriqués gamine. Et on encaisse, on se tait, on laisse dire, on subit.

    Et puis, elle a besoin de ce boulot. Vraiment. Ce connard de Chasson le sait. Directeur sans scrupules, capable de virer une caissière pour une erreur de dix euros. Alors cinquante! "

    Julie, 20 ans, mère célibataire d'un enfant de trois ans peine à joindre chaque mois les deux bouts. Aussi, quand elle est accusée à tort d'avoir volé cinquante euros dans la caisse, elle fait le dos rond afin de ne pas perdre son poste.

    Mais elle ne peut empêcher une larme de couler quand elle tient la caisse et s'occupe d'un client pas comme les autres.

    En effet, elle ne le sait pas mais Paul, un homme d'affaires à la cinquantaine bien entamée et qui vient de se faire plaquer par sa femme, est ému par la tristesse de cette jeune femme.

    Il décide de l'inviter au restaurant et de fil en aiguille, il l'emmène en vacances avec son fils en Bretagne.

    Ce séjour va tout changer dans l'existence de ces trois vies brisées. Mais aucun d'eux n'imaginait ce qui les attendrait sur le chemin du retour...

     

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    Je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant qu'une lectrice de la médiathèque ne m'en dise le plus grand bien et me pousse à m'y plonger.

    Juste avant le bonheur appartient à ce genre d'ouvrages simples mais qui provoquent une sensation de bien-être. Je l'apparente un peu aux œuvres de Lorraine Fouchet que j'ai eu l'occasion de découvrir l'année dernière: L'agence et la Mélodie des jours.

    Il s'agit d'un livre choral qui met en scène plusieurs personnages: Julie, Paul et Jérôme. Quand on fait la connaissance de ces trois héros, tous ont subi de grandes épreuves dans leur existence.

    Julie est tombée enceinte lors d'une soirée arrosée à 16 ans et s'est retrouvée à assumer toute seule son destin et celui de son fils Lulu. Les fins de mois sont toujours difficiles. Et Julie a depuis longtemps tiré un trait sur le Prince charmant.

    "Difficile d'en sortir, quand on y croit dur comme fer, aux jolis contes de fées. Un jour, on se réveille en prenant conscience que la vie n'est pas si idyllique que ces histoires veulent bien le faire croire"

    A l'inverse, Paul vient de se faire quitter par sa femme. Mais elle l'ennuyait et il est finalement assez satisfait de son sort. En revanche, il souhaiterait se réveiller de la torpeur où l'a plongé le décès de sa première épouse trente ans auparavant.

    Quant à Jérôme, le fils trentenaire de Paul, il souffre de ne pas avoir pu empêcher le suicide de sa conjointe trois mois auparavant.

    A priori, rien ne prédisposait Paul à rencontrer Julie. Mais un peu comme dans un conte de fées, tout s'est enchaîné pour les mettre face à face. Un peu comme dans un conte de fées aussi, Paul va se transformer en marraine bienfaitrice et emmener notre héroïne en vacances.

    Cette dernière, sorte de princesse cynique, va réveiller Paul et Jérôme à la vie.

    Cependant, comme dans tout conte de fées, après la parenthèse enchantée en Bretagne, les obstacles surgissent. Le roman bascule alors dans une tonalité plus grave, plus sombre...Néanmoins, subsistent toujours certaines lueurs d'espoir et l'apprentissage de Julie, Paul et Jérôme se poursuit. Avec comme unique horizon: le bonheur.

    "La vie est légère comme une plume quand le souffle qui la porte est animé d'amour et de tendresse, alors, je veux bien me délester de quelques plumes..."

    On tourne les pages. Et, tour à tour, on sourie, on rit, on est émus, on est bouleversés... Juste avant le bonheur nous touche profondément et nous rappelle l'importance de profiter de chaque instant.

    Certes, on pourrait faire des reproches à ce livre: la simplicité du style, le rapprochement parfois trop facile de certains des personnages....Mais je me suis demandée si justement ces défauts ne contribuaient pas en partie à son charme. Par exemple, le langage épuré, sans fioritures, confère une plus grande sincérité aux monologues de Julie & co.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai passé un très bon moment en compagnie de ce roman aux allures de conte moderne dont les défauts n'entachent pas la grande humanité. Parfois, on est juste heureux de parcourir ce genre de livre qui fait du bien.

    Albin Michel, 2013, 342 pages, 19,50 €

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Céline

     

     

  • Au-revoir là haut de Pierre Lemaître

    Au-revoir là haut

    de

    Pierre Lemaître

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    "Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt, étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement"

    Novembre 1918, quelques jours avant l'armistice. Albert Maillard, comptable de son état, qui aspire à retrouver les jupons de Cécile et l'autoritarisme de sa mère partage la vie des tranchées avec Edouard de Péricourt, un aristocrate artiste, homosexuel et auquel la chance ne cesse de sourire. Tout les oppose mais ils vont être réunis par les faits et gestes de leur supérieur, le lieutenant Pradelle.

    Après l'armistice, ils vont emménager ensemble et mettre en place une arnaque autour des monuments aux morts.

    pierre lemaitre.jpg

    Généralement, je me méfie des Prix Goncourt. J'ai toujours peur d'être déçue. Du coup, j'attends souvent quelques mois voire quelques années avant de m'y plonger.

    Cependant, Au revoir là-haut m' a immédiatement attirée. Ne serait-ce que par le parcours de son auteur (il faut absolument que je découvre ses romans policiers) et par son sujet. J'ai donc été ravie de pouvoir l'emprunter à mon père pendant les vacances de Noël.

    Je dois avouer que j'ai été un peu désarçonnée par les premières pages. J'ai dû m'habituer à la petite musique de Pierre Lemaître, à son utilisation du futur (souvent pour mieux nous tromper). Puis, très vite, j'ai été happée par l'intrigue dense et foisonnante, par les scènes chocs.

    Au début, le romancier nous entraîne au front, à quelques jours de l'armistice. Alors que les hommes attendent avec impatience la fin des hostilités, le lieutenant Pradelle souhaite reprendre le combat pour mieux s'illustrer et tirer son épingle du jeu. Ne reculant devant rien, il va même assassiner deux de ses soldats pour redonner envie à ses troupes de partir à l'attaque. Pendant l'assaut, il est découvert par Albert Maillard et tente donc de l'assassiner, en le poussant dans un trou d'obus où il se retrouve enseveli. Le jeune comptable en sort in extremis grâce à Edouard de Péricourt. Mais ce dernier se retrouve défiguré.

    Voici comment en quelques pages nous rencontrons les trois protagonistes de cette fresque de l'après-guerre. Trois héros que tout oppose. Ou plutôt devrais-je dire trois anti-héros.

    Le lieutenant Pradelle incarne à la perfection la figure du méchant. Il veut à tout prix s'élever dans la société et gagner de l'argent pour pouvoir restaurer son domaine. Après son mariage avec la soeur d'Edouard de Péricourt, il va profiter des relations de sa belle-famille pour monter une entreprise autour des corps des anciens soldats. Il promet de mettre en place des sépultures décentes pour ces victimes alors qu'il les case dans des cercueils trop petits...On ne peut être que bluffé par son immense cynisme, son sens de la répartie, son opportunisme. .. Mais, à l'instar des vilains que l'on peut trouver chez Balzac ou Zola, la chute n'est jamais loin.

    Face à lui, deux hommes qu'il a sacrifiés pour recevoir des décorations et le grade de capitaine: Albert Maillard, un "revenant" relativement lâche, qui n'assume jamais ses actions, vit dans la peur d'être découvert, et Edouard de Péricourt, un aristocrate brisé, dont le visage n'est plus qu'une immense béance.

    C'est Edouard qui va élaborer tout un stratagème pour arnaquer les mairies et les associations qui veulent honorer la mémoire des morts au combat. Et Albert, par reconnaissance et culpabilité, va le soutenir.

    On suit donc le destin de ces trois protagonistes dans une après-guerre où il se révèle bien difficile pour les anciens poilus de se réadapter à leur nouvelle vie et où la plupart peinent à retrouver leur place. Un paradoxe car si les vivants sont négligés, le culte autour des victimes de 14-18 bat son plein. Un culte dont vont profiter chacun à leur manière Pradelle, Maillard et Péricourt.

    J'ai également été frappée par la galerie des personnages secondaires: le père et la soeur d'Edouard, les associés de Pradelle...

    Néanmoins, Pierre Lemaître se révèle aussi très doué dans la construction du scénario. Les épisodes s'enchaînent sans temps mort (alors que le livre fait 567 pages). Certaines scènes frappent l'imagination du lecteur. Et je ne m'attendais pas forcément à ces dénouements.

    De même, j'ai été impressionnée par le travail de documentation qu' a dû fournir cet auteur. Il a su restituer l'atmosphère qui devait régner dans la France de l'entre-deux-guerres.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman dense, noir, cynique et parfois humoristique. Je ne suis pas passée loin du coup de cœur et je vous le recommande vivement.

    Je pense que je ne tarderai pas à me plonger dans Robe de marié ou Alex.

    Billet dans le cadre d'une lecture commune avec Céline

    Albin Michel, 2013, 567 pages, 22,50 €